Engagé pour la transition écologique depuis 35 ans, le président du Pôle d’Equilibre Territorial et Rural du Grand Briançonnais, Pierre Leroy, est le nouveau témoin de notre saga des Territoires Engagés. Maire de la commune du Puy Saint André pendant 12 ans, il avait déjà initié la transition écologique à l’échelle locale en prônant la sobriété, la production d’énergie renouvelable et la gestion des déchets. Le PETR du Briançonnais, situé à une altitude supérieure à 1 800 mètres, est l’un des territoires les plus hauts d'Europe.
Hellio : Le PETR du Briançonnais, du fait de sa situation géographique en altitude, est particulier. Pouvez-vous nous le présenter, ainsi que les enjeux environnementaux et énergétiques associés ?
Pierre Leroy : Les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sont assez clairs et parlants sur l’impact de la crise climatique en zone de montagne. Si la température augmente de 1 degré de manière globale, elle augmentera de deux degrés dans les territoires de montagnes. C’est donc une préoccupation extrêmement importante. D’autant plus que l’on peut déjà voir les conséquences du réchauffement climatique, qui sont des désordres géophysiques que l’on peut voir tous les jours sur les montagnes autour de nous. Récemment, un tunnel s’est effondré, on a souvent des glissements de terrain, avec des pans entiers de la montagne qui s’effondrent. Les enjeux climatiques, c’est aussi la sécheresse, avec nos forêts qui sont en train de mourir.
Le changement climatique a aussi des enjeux économiques, parce que toutes les stations de moyenne montagne sont déjà impactées, et c’est des villes entières qui reposent sur un tourisme qui ne pourra plus exister.
Ça nous oblige à agir. Etant concerné comme on l’est par la crise climatique, nous devons être encore plus responsables et avancer plus loin.
Hellio : En quoi votre territoire est-il engagé dans la transition écologique ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?
Pierre Leroy : On est engagé dans la transition écologique de manière générale et en réalité tous les sujets et les enjeux se recoupent entre l’eau, l’énergie, les déchets, le foncier, l’agriculture… Ce qu’on souhaite réussir à faire nous, c’est bouleverser les pratiques, à tous les points de vue. Par exemple, la ville dont j’étais maire, Puy Saint André, aujourd’hui produit plus d’énergie que les habitants n’en consomment. On a certains de nos territoires qui ont baissé de 45 % leur production de déchets.
Le travail qu’on souhaite mener, c’est tout ce qui correspond aux besoins primaires des populations : comment manger des produits sains et locaux ? Comment se déplacer pour aller au travail ? Comment me chauffer décemment ? La rénovation énergétique est un enjeu essentiel car ici, en altitude, presque tous les bâtiments sont des passoires énergétiques. Ce sont des enjeux auxquels les collectivités doivent répondre et ça doit passer par la participation citoyenne, avec des budgets participatifs par exemple. Ce changement de modèle doit se faire avec la population, les collectivités et le monde de l’entreprise. A nous de trouver les moyens de faire comprendre ces enjeux.
Hellio : Le PETR a été labellisée TEPCV en 2016, quelles actions ont été menées avec Hellio pour le volet CEE TEPCV ?
Pierre Leroy : Dans le cadre de TEPCV, nous avons engagé environ 25 actions qui ont été proposées par les citoyens. C'étaient des projets de toutes sortes, sur la mobilité, le transport… Avec Hellio, nous avons souhaité montrer l’exemple en réhabilitant le bâti du territoire. On a commencé par réhabiliter un bâtiment par communauté de communes. Puis on est passé aux communes, et à la réhabilitation de leurs bâtiments publics. Au total, 21 collectivités ont pu bénéficier du programme. Cet engouement et ces travaux lancés en même temps, ça a créé une ambiance particulière sur le territoire.
"Dans le cadre de TEPCV, nous avons engagé environ 25 actions qui ont été proposées par les citoyens. (...) Avec #Hellio, nous avons souhaité montrer l’exemple en réhabilitant le bâti du territoire"
Hellio : Vous avez ensuite poursuivi ce partenariat hors TEPCV, quelles opérations ont-elles été réalisées ?
Pierre Leroy : Les travaux de réhabilitation qui avaient déjà eu lieu nous avaient fortement lancés dans l’opération. On a pas encore eu de chantier achevé hors TEPCV, mais 21 opérations en cours d’analyse, pour 10 collectivités bénéficiaires.
Ces opérations ont permis de dynamiser, de faire comprendre les enjeux de la rénovation énergétique et on s’appuie aujourd’hui sur cette expérience ! Ce n’est pas seulement la population qui a été sensibilisée, mais également les élus du territoire. Désormais, les 36 maires connaissent les enjeux. La rénovation énergétique débutée avec Hellio a été un tremplin. Mais il faut rappeler que le travail qui reste à faire dans ce domaine est énorme et que les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les problèmes de financement sont tant à l’échelle des collectivités que pour les particuliers.
Hellio : Le PETR du Briançonnais est un territoire de montagne attractif, comment alliez-vous le tourisme et la protection de l’environnement ?
Pierre Leroy : On était en avance sur ce sujet car dès 2015 on lançait le tourisme endogène. L’objectif de cette réflexion est de se demander “comment partir en vacances chez soi?”. C’est une question essentielle, à l’heure ou beaucoup de personnes partent à l’autre bout du monde pour un week-end. Mais ici sur notre territoire, parfois vous avez l’impression d’être en plein milieu de l’Islande, ou au Canada ou même à la plage. On a une région exceptionnelle, alors pourquoi prendre l’avion ?
On essaye d’inciter les porteurs de projets locaux à aller dans le sens de ce tourisme endogène, d’inciter les entreprises à proposer des services en termes de déplacement, de restauration qui aillent dans ce sens.
Il y a un contexte particulier ici, car la biodiversité et le cadre sont tellement incroyables que beaucoup de personnes qui viennent vivre ici le font pour se mettre au vert, changer de vie. C’est donc un terreau fertile pour les démarches de transition écologique ! Souvent, les habitants aimeraient que l’on aille encore plus loin dans nos démarches, ce sont les collectivités qu’il faut réussir à convaincre.
Hellio : Votre territoire a-t-il été affecté par la diminution du tourisme suite à la crise du Covid ? Quelles sont selon vous les solutions disponibles ?
Pierre Leroy : Ça a évidemment eu un impact extrêmement fort, puisque toutes les stations de ski ont été fermées, ce qui est un problème énorme pour les collectivités. L’été dernier, on a eu un monde fou sur notre territoire, ce qui nous inquiète presque pour cet été ! Les gens ont besoin de sortir et de profiter de la nature.
Le seul avantage, c’est que ces difficultés permettent de se poser les questions qu’on avait plutôt tendance à mettre de côté quand tout allait bien, sur la fragilité des stations de sports d’hiver face à la crise climatique, sur le changement d’activité touristique. Au moins maintenant le gouvernement s’en préoccupe.
Hellio : Quel est votre avis sur le plan de relance ?
Pierre Leroy : Le contrat de transition était déjà une formidable opportunité, c’est un levier qui permet d’agir sur tous nos enjeux essentiels : création d’emploi, baisse du CO2, dynamisation du territoire. Lorsqu’on nous propose de signer le contrat de transition écologique ou qu’on parle du plan de relance, nous sommes dans un bras de fer pour faire comprendre à l'État que la transition écologique ne sera que si elle est démocratique. Nous avons un besoin pressant d’animation territoriale. En France malheureusement, tout l’argent passe sur l’investissement et pas un centime n’est mis sur l’animation territoriale, ce qui ne permet pas de faire émerger des projets qui viennent du terrain.