Pour atteindre les objectifs de décarbonation de l’Union européenne, les enjeux de responsabilité sociétale des entreprises sont nombreux. La publication d’informations extra-financières fiables fait notamment partie des exigences indispensables pour espérer créer une économie durable. Alors que le cadre réglementaire précédent était jugé insuffisant, la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) revoit les obligations des entreprises en la matière à la hausse. Cet article propose un décryptage complet de la directive CSRD, afin de mieux en saisir les enjeux et de préparer sa mise en conformité.
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Au sommaire :
Qu’est-ce que la directive CSRD ?
CSRD est le nom couramment utilisé pour se référer à la directive européenne (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022. Elle remplace la directive sur la publication d’informations extra-financières (NFRD) de 2014. Applicable depuis le 1er janvier 2024, la CSRD renforce les obligations de reporting des entreprises. Elle encadre la manière dont les sociétés européennes et non européennes dépassant certains seuils doivent divulguer certaines données ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance).
L’INFO HELLIO
En France, la transposition de la directive CSRD au niveau national a été réalisée par ordonnance le 6 décembre 2023. Le décret d’application correspondant a ensuite été publié au journal officiel du 31 décembre.
Cette évolution législative majeure signe la disparition de la Déclaration de Performance Extra-Financière, ou DPEF, au profit du « rapport de durabilité ». Afin d’harmoniser les publications des entreprises, le besoin de créer des normes européennes d’information en matière de durabilité a été identifié. L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) est l’organisme chargé de concevoir ces différents standards.
Appelés ESRS (European Sustainability Reporting Standards), ils précisent les données à publier pour les différentes questions de durabilité liées à chaque catégorie ESG. Un premier ensemble de 12 normes ESRS tout-secteur a été adopté par un règlement délégué de la Commission européenne le 31 juillet 2023. Ces standards constituent le socle sur lequel les entreprises concernées par la CSRD doivent s’appuyer pour préparer leurs premiers rapports de durabilité.
CSRD, Green Deal et réchauffement climatique
C’est en 2019 que la Commission européenne s’engage à effectuer une révision de la directive NFRD, qui deviendra par la suite la CSRD. Cet engagement s’est fait via sa communication « Le pacte vert pour l’Europe ». Communément appelé Green Deal, ce nouveau cadre vise à transformer le modèle économique de l’UE afin de le rendre à la fois compétitif et durable. Plus concrètement, son objectif principal est de faire de l’Europe le premier continent à parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050.
L’objectif intermédiaire de réduction des émissions nettes de GES (gaz à effet de serre) de l’UE pour 2030 est également réajusté. Il est maintenant question d’une baisse minimum de 55 % (contre 40 % auparavant), par rapport aux niveaux de 1990. En juillet 2021, ces engagements deviennent légalement contraignants, lors de l’entrée en vigueur de la loi européenne pour le climat.
L’INFO HELLIO
De plus en plus d’acteurs de la transition bas carbone cherchent à inscrire leurs initiatives dans une trajectoire 1,5 °C, en visant le zéro émission nette d’ici 2050. On peut citer la SBTi (Science Based Targets initiative), qui propose aux entreprises de se fixer des objectifs de décarbonation alignés sur la science.
Parmi les raisons de la revue à la hausse des ambitions écologiques de l’UE, le texte de loi cite notamment le rapport spécial « Réchauffement planétaire de 1,5 °C » du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Paru en 2018, il alerte sur les conséquences désastreuses qu’une telle trajectoire pourrait avoir sur la planète. Alors que juin 2024 marque les premiers 12 mois consécutifs de dépassement des 1,5 °C au niveau mondial, la transparence des entreprises en matière de durabilité constitue un enjeu majeur dans la course contre le réchauffement climatique.
Le célèbre GHG Protocol a lui aussi annoncé une révision de ses principaux standards de comptabilité carbone, afin d’être compatible avec ces nouveaux objectifs. En France, le référentiel Net Zero Initiative, développé par Carbone 4, est aujourd’hui incontournable dans la structuration de l’action climat des organisations.
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Quels sont les objectifs de la directive CSRD ?
La directive CSRD participe à la création d’un cadre juridique de reporting d’informations ESG cohérent avec les objectifs du Green Deal. Voici les principaux enjeux auxquels elle est censée répondre.
Encourager les investissements écologiques dans le cadre du Green Deal
Lexique : actifs échoués
Les actifs échoués — ou capitaux échoués — sont des investissements qui perdent de la valeur ou dont la rentabilité devient nulle bien avant leur date d’amortissement théorique. Plusieurs définitions coexistent et intègrent différents types d’actifs, de secteurs et de causes, ou intègrent une notion d’irréversibilité. Dans le contexte de la CSRD, un actif peut échouer en raison du changement climatique ou de la transition écologique.
Dans son pacte vert, la Commission européenne place la révision de la NFRD parmi les moyens de « promouvoir la finance et l’investissement verts et [d’]assurer une transition juste ». Elle juge en effet que le secteur privé jouera nécessairement un rôle déterminant pour financer la transition écologique.
Dans ce contexte, la CSRD constitue un outil visant à orienter les flux financiers et les flux de capitaux vers des investissements écologiques. En priorisant les projets durables, la directive vise également à éviter les actifs échoués.
Fournir des données ESG fiables aux investisseurs et aux parties prenantes
Dans son document de proposition de la directive CSRD, la Commission européenne revient en détail sur les objectifs que cette dernière poursuit. Elle vise avant tout à améliorer la disponibilité et la qualité des informations de durabilité publiées par les entreprises. Les investisseurs et autres parties prenantes des sociétés ont, en effet, de plus en plus besoin de données ESG fiables.
Trois raisons sont notamment avancées pour expliquer cette nécessité :
- La prise de conscience croissante de l’impact des questions de durabilité sur les résultats financiers des entreprises ;
- Le marché en expansion des produits d’investissement recherchant explicitement à respecter des normes ou objectifs de durabilité ;
- L’évolution de la réglementation, avec notamment les règlements européens SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et Taxonomy. Ces derniers obligent les gestionnaires d’actifs et les conseillers financiers à obtenir plus d’informations de durabilité sur les entreprises détenues.
Au-delà de la lutte directe contre le réchauffement climatique, la publication de données de durabilité qualitatives répond donc à une demande concrète.
Pallier les faiblesses de la NFRD et garantir un cadre juridique cohérent au sein de l’UE
La directive sur la publication d’informations extra-financières (NFRD) s’est montrée incapable de répondre efficacement aux enjeux du reporting ESG. Son cadre permet à de nombreuses entreprises de ne pas publier d’informations de durabilité. Et lorsqu’elles le font, leurs rapports sont difficiles à comparer (voire même à trouver) et souffrent souvent d’un manque de fiabilité.
L’objectif de la CSRD est de pallier cette situation à moindre coût, afin de :
- permettre aux investisseurs de prendre en compte les risques liés à la durabilité dans leurs décisions d’investissement ;
- pouvoir identifier les entreprises aux modèles économiques et aux activités durables ;
- responsabiliser les entreprises sur l’incidence de leurs activités sur la population et l’environnement, et lutter contre le greenwashing ;
- faciliter le travail des entreprises en proposant une harmonisation des pratiques de reporting ESG ;
- garantir l’existence d’informations ESG appropriées et facilement accessibles au public.
Plus largement, la directive CSRD fait partie d’un cadre juridique européen cohérent traitant des obligations d’information en matière de durabilité. Cela comprend principalement les règlements SFDR et Taxonomy. La CSRD partage également une vision commune avec la directive CSDD (Corporate Sustainability Due Diligence and amending). Cette dernière porte sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
Si la CSRD améliore la transparence, la directive CSDD encourage le passage à l’action des sociétés européennes. Son objectif est d’obliger les entreprises à réduire les incidences négatives de leurs activités sur les droits humains et environnementaux.
Qu’est-ce qui change concrètement par rapport à la NFRD ?
Les différences entre la directive NFRD et la directive CSRD sont nombreuses et impactantes. Voici 5 des principaux changements à connaître :
- Beaucoup plus d’entreprises sont concernées par l’obligation de reporting d’informations ESG. Cela comprend notamment toutes les grandes entreprises, ainsi que les sociétés cotées (hors micro-entreprises).
- Les informations ESG à déclarer et les processus de reporting sont précisés, grâce à la création des normes ESRS.
- Le concept de double matérialité présenté dans la NFRD est clarifié et occupe une place prépondérante dans la CSRD. Chaque société concernée par la directive doit maintenant réaliser une analyse de matérialité en suivant ce principe. Cette étape permet d’identifier les sujets et les données ESG importants qui doivent figurer au rapport de durabilité.
- L’assurance (ou audit) des informations en matière de durabilité est maintenant exigée. Cette vérification est réalisée par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant (OTI). Le niveau d’assurance requis, c’est-à-dire la fiabilité attendue de l’audit, devrait être renforcé progressivement. Les premiers rapports de durabilité auront besoin de présenter un niveau d’assurance dit « limité ». Un niveau d’assurance « raisonnable » pourrait être exigé ultérieurement.
- Les entreprises doivent maintenant publier leurs informations ESG au sein du rapport de gestion, dans le format électronique unique européen, ou ESEF. Il leur faut donc utiliser le format XHTML et intégrer des balises XBRL aux données de leur rapport de durabilité. Un projet de taxonomie numérique est actuellement en cours pour définir les règles de balisage des premières normes ESRS.
NB : Afin de répondre à l’obligation d’audit du rapport de durabilité, les entreprises doivent nommer un ou plusieurs vérificateurs. Cette nomination a lieu lors de l’assemblée générale ordinaire et donne lieu à un mandat de 6 ans. Pour en savoir plus sur ce sujet, rendez-vous sur la foire aux questions dédiée de la Haute Autorité de l’Audit.
Définition de la double matérialité
La double matérialité, ou double importance, est définie dans la norme ESRS 1. Elle comporte deux dimensions interdépendantes : l’importance du point de vue de l’incidence (matérialité d’impact) et l’importance du point de vue financier (matérialité financière). La matérialité d’impact renvoie aux incidences positives ou négatives, réelles ou potentielles de l’entreprise sur la population ou l’environnement, à court, moyen ou long terme.
À l’inverse, la matérialité financière renvoie aux incidences financières importantes des enjeux de durabilité sur l’entreprise. Cela comprend les risques et les opportunités qui ont une influence importante, ou dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils aient une influence importante. Une question de durabilité qui est considérée importante selon l’un de ces deux points de vue est obligatoirement intégrée au rapport de durabilité.
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Quelles sont les entreprises soumises à la directive CSRD ?
La Corporate Sustainability Reporting Directive s’applique à l’ensemble des grandes entreprises européennes, cotées ou non cotées. La notion de grande entreprise utilisée est celle de la directive Comptable. Cela comprend toutes les sociétés qui dépassent deux des trois seuils suivants à la date de clôture de l’exercice :
- Un bilan de 25 M€ ;
- Un chiffre d’affaires net de 50 M€ ;
- Un nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 250.
Les entreprises cotées sur le marché réglementé européen doivent également produire leur rapport de durabilité. Cela inclut les PME, mais pas les micro-entreprises. Enfin, certaines entreprises non européennes sont concernées par les obligations de la CSRD. Cela concerne les sociétés disposant à la date de clôture des deux derniers exercices consécutifs :
L’INFO HELLIO
Si les PME non cotées semblent pour l’instant échapper aux obligations de reporting ESG, la réalité est plus nuancée. En effet, les sociétés soumises à la CSRD devront publier certaines informations sur leur chaîne de valeur. Dans ce contexte, de nombreuses entreprises soumises au rapport de durabilité demanderont logiquement des informations ESG auprès de leurs fournisseurs et sous-traitants.
- d’un chiffre d’affaires net européen supérieur à 150 M€ ;
- d’une succursale en France avec un chiffre d’affaires net de plus de 40 M€.
NB : les filiales et sociétés consolidantes d’un grand groupe peuvent bénéficier de règles d’exemption sous conditions.
Notons que les PME non cotées sont encouragées à publier un rapport de durabilité de manière volontaire. Le projet de norme VSME ESRS (Voluntary ESRS for non-listed Small and Medium-sized Enterprises) de l’EFRAG donnera un cadre aux entreprises qui ne relèvent pas du champ d’application actuel de la CSRD.
Un calendrier d’application progressif pour la directive européenne
L’entrée en vigueur de l’obligation de publier un rapport de durabilité se veut progressive. Elle concerne dans un premier temps les entreprises déjà soumises à la NFRD, avant de s’appliquer aux autres catégories de sociétés visées. Le tableau ci-dessous se base sur la transposition de la CSRD dans le droit national français.
Entrée en vigueur de la directive CSRD |
Premier reporting |
Entreprises concernées |
1er janvier 2024 |
2025 (pour l’année 2024) |
Entreprises déjà soumises à la NFRD, et qui remplissent donc deux des critères suivants :
|
1er janvier 2025 |
2026 (pour l’année 2025) |
Entreprises remplissant deux des critères suivants :
|
1er janvier 2026* |
2027 (pour l’année 2026)* |
PME cotées en bourse (sauf micro-entreprises : entreprises de moins de 10 salariés dont le total du bilan ne dépasse pas 450 000 € ou dont le montant net du chiffre d'affaires ne dépasse pas 900 000 €). |
1er janvier 2028 |
2029 (pour l’année 2028) |
Certaines entreprises non européennes ayant :
|
Sources : Entreprendre.service-public.fr, décret n° 2023-1394 du 30 décembre 2023.
*Les PME cotées sur le marché réglementé européen ont la possibilité de reporter leur première publication d’un rapport de durabilité à 2029 (pour l’année 2028). Il leur suffit pour cela de « justifier brièvement cette décision dans leur rapport de gestion ».
LE CHIFFRE HELLIO : 49 000
Il s’agit du nombre approximatif d’entreprises qui seraient concernées par l’obligation de reporting de la CSRD. Dans sa proposition de la directive en 2021, la Commission européenne estimait que cela représentait près de 75 % du chiffre d’affaires de toutes les sociétés à responsabilité limitée. À titre de comparaison, seulement 11 600 sociétés étaient soumises à la DPEF de la directive NFRD, soit 47 % de ce même chiffre d’affaires.
Comprendre les normes d’information en matière de durabilité (ESRS)
Avant de se lancer dans une analyse de double matérialité pour préparer son reporting, il est indispensable de se familiariser avec les normes ESRS. À terme, la Commission européenne prévoit d’adopter 4 types de standards par voie d’actes délégués :
- Les 12 ESRS tout-secteur déjà publiés ;
- Les ESRS sectoriels ;
- Les ESRS spécifiques aux PME cotées ;
- Les ESRS spécifiques aux sociétés non européennes.
À mesure que les prochains ESRS seront publiés, les entreprises concernées devront progressivement les appliquer. Pour l’instant, les 12 normes tout-secteur adoptées via le règlement délégué (UE) 2023/2772 du 31 juillet 2023 permettent de publier les premiers rapports de durabilité de la CSRD.
Quelles sont les 12 normes ESRS tout-secteur ?
Le premier ensemble de normes de l’EFRAG compte des normes transversales et des normes thématiques. Voici un tableau détaillant ces premiers standards :
Normes ESRS « tout-secteur » |
|||
Normes transversales |
Normes thématiques |
||
ESRS 1 - Exigences générales |
Environnement |
Social |
Gouvernance |
ESRS 2 - Informations générales à publier |
ESRS E1 - Changement climatique |
ESRS S1 - Effectifs de l’entreprise |
ESRS G1 - Conduite des affaires |
ESRS E2 - Pollution |
ESRS S2 - Travailleurs de la chaîne de valeur |
||
ESRS E3 - Ressources aquatiques et marines |
ESRS S3 - Communautés touchées |
||
ESRS E4 - Biodiversité et écosystèmes |
ESRS S4 - Consommateurs et utilisateurs finaux |
||
ESRS E5 - Utilisation des ressources et économie circulaire |
Sources : Autorité des Marchés Financiers (AMF), règlement délégué (UE) 2023/2772 du 31 juillet 2023.
La norme ESRS 1 détaille les grands principes des standards d’information en matière de durabilité. On y trouve de nombreuses informations sur les catégories d’ESRS, la double matérialité, la chaîne de valeur ou encore la structure du rapport de durabilité.
La norme ESRS 2 présente l’ensemble des informations générales que les entreprises doivent publier. Ces exigences de publication, ou DR (Disclosure Requirements), sont réparties en quatre catégories :
- Gouvernance ;
- Stratégie ;
- Gestion des incidences, risques et opportunités ;
- Métriques et cibles.
L’ASTUCE HELLIO
Pour une vue d’ensemble des différentes exigences de publication et des points de données associés, consultez la liste complète des data points ESRS. Cette liste est en cours de finalisation et peut donc continuer à évoluer.
Chaque norme ESRS thématique décrit ses propres exigences de publication, réparties dans les mêmes catégories que celles d’ESRS 2. Au total, les ESRS tout-secteur cumulent 82 DR. Certaines exigences de publication sont quantitatives, tandis que d’autres sont qualitatives. Pour chacune d’entre elles, des points de données sont parfois requis, tandis que d’autres peuvent être publiés volontairement. Ils sont de différentes natures : monétaires, narratifs, semi-narratifs, pourcentages, etc.
Quelles sont les informations à intégrer au rapport durabilité ?
Toutes les entreprises concernées par la CSRD doivent intégrer les informations suivantes à leur rapport de durabilité :
- les informations générales requises dans la norme ESRS 2 ;
- les informations requises dans les ESRS thématiques concernant l’exigence de publication IRO-1, telles qu’elles sont énumérées dans l’annexe C de la norme ESRS 2.
À cette liste s'ajoutent les informations et points de données liés aux questions de durabilité des ESRS thématiques jugées matérielles par l’entreprise. L’appendice E de la norme ESRS 1 présente un diagramme permettant de déterminer les informations à inclure dans le rapport de durabilité.
Questions de durabilité et informations matérielles de l’entreprise
Les questions de durabilité correspondent aux thèmes, sous-thèmes et sous-sous-thèmes de chaque ESRS thématique. L’analyse de double matérialité est réalisée pour chacune d’entre elles. C’est en quelque sorte le premier niveau de matérialité. Il définit l’importance des différents thèmes vis-à-vis de l’entreprise. On parle de « questions importantes » ou de « matérialité des enjeux ».
Lorsqu’une question de durabilité est considérée matérielle, les parties prenantes de l’entreprise procèdent à une nouvelle analyse de double matérialité. Cette fois-ci, elle porte sur chaque information et point de données liés aux exigences de publication (DR) de la question de durabilité examinée. Seuls les points de données et informations jugés matériels à leur tour sont à inclure dans le rapport de durabilité.
Il s’agit du second niveau de matérialité. On parle de « matérialité de l’information » ou « d’importance des informations ». Les informations relatives aux politiques, actions et objectifs font office d’exception. Elles sont obligatoirement publiées pour toute question de durabilité matérielle. Si l’entreprise n’a pas encore établi de politiques, entrepris d’actions ou fixé des cibles, elle le précise dans son rapport.
Le cas de la norme ESRS E1 - Changement climatique
Si une entreprise conclut qu’une question de durabilité ne constitue pas un thème important, il lui suffit de brièvement expliquer les conclusions de son analyse de double matérialité. La seule exception à cette règle est la norme ESRS E1 - Changement climatique.
L’entreprise qui estime que ce thème est non matériel doit fournir une explication très détaillée de son raisonnement. En réalité, il paraît difficile de prouver qu’une société n’émet pas de gaz à effet de serre et ne participe pas au changement climatique. Les entreprises ont donc tout intérêt à se préparer à l’intégration de cette thématique dans leur rapport de durabilité comme s’il s’agissait d’une obligation.
Les « informations spécifiques » du rapport de durabilité
Les organisations ont la responsabilité de compléter les informations requises par les ESRS actuellement en vigueur par toute information spécifique jugée matérielle. Dans un contexte où les ESRS sectoriels sont encore en développement, ces informations spécifiques sont particulièrement importantes.
Devant la quantité d’informations et de points de données potentiellement requises, de nombreuses dispositions transitoires d’allègement du reporting ont été mises en place. L’appendice C de la norme ESRS 1 liste les exigences de publication concernées, les délais d’allègement et les conditions pour en bénéficier.
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Comment se mettre en conformité avec la directive CSRD ?
L’ASTUCE HELLIO
Afin d’aider les entreprises concernées par la CSRD à se mettre en conformité, l’EFRAG a déjà publié trois guides méthodologiques. Ils traitent de l’analyse de double matérialité, de la lecture du tableau des points de données ESRS, ainsi que de la chaîne de valeur. Une foire aux questions régulièrement mise à jour est également en ligne. Il est possible de retrouver ces différents documents au sein des publications de l’EFRAG concernant le reporting de durabilité.
Si répondre aux exigences de la CSRD nécessite beaucoup de temps et d’expertise, le processus pour y parvenir est relativement simple à résumer. Les entreprises doivent d’abord réaliser leur analyse de double matérialité pour connaître les informations à publier. En fonction des exigences de publication (DR) qui les concernent, elles compilent les points de données correspondants.
Il suffit ensuite de rédiger le rapport de durabilité et de l’intégrer au rapport de gestion, le tout au format XHTML. Enfin, ce document est transmis à la future plateforme européenne ESAP (European Single Access Point). Comme le rapport de gestion, le rapport de durabilité est mis à jour tous les ans, à la fin de l’exercice comptable. Il doit être communiqué aux associés 15 jours avant l’assemblée générale.
1 – Réaliser son analyse de double matérialité
Comme nous l’avons vu dans le décryptage des ESRS, l’analyse de double matérialité s’effectue à deux niveaux. Elle s’applique d’abord à chaque question de durabilité, puis aux informations requises par leurs exigences de publication (DR). En réalité, cela ne suppose pas de faire plusieurs analyses de double matérialité, mais plutôt d’adopter une approche en entonnoir.
Les normes de l’EFRAG n’imposent pas de méthode standardisée pour cette première étape de réalisation du rapport de durabilité. Il est ainsi possible de diviser l’analyse de double matérialité en un plus ou moins grand nombre de phases. Dans le cadre de cet article, elle sera présentée en quatre étapes.
Voici comment il est possible de procéder pour réaliser une analyse de double matérialité :
- Améliorer sa compréhension du contexte : analyser les activités de l’entreprise, les relations d’affaires, la chaîne de valeur dans son ensemble (amont et aval), le contexte réglementaire et les benchmarks de pairs et identifier les parties prenantes.
- Identifier la liste des enjeux ESG potentiels : il s’agit de présélectionner les enjeux ESG qui semblent les plus pertinents vis-à-vis de l’entreprise. La société part de la liste des questions de durabilité (tableau AR16, appendice A, ESRS 1). En l’attente des ESRS sectoriels, elle complète cette dernière par des sources provenant de cadres volontaires. Enfin, les enjeux spécifiques à l’entreprise sont ajoutés, lorsque c’est pertinent.
- Sélectionner les enjeux ESG matériels : une fois les enjeux potentiels identifiés, on évalue la matérialité d’impact et la matérialité financière pour chaque question de durabilité. L’entreprise réalise ensuite une synthèse des deux évaluations. Il est alors possible d’illustrer les résultats de ces analyses avec des matrices de double matérialité.
- Réaliser une analyse de double matérialité au niveau des informations : pour chaque question de durabilité jugée matérielle, on évalue les informations et points de données des DR qu’il faudra publier. Si une information paraît pertinente pour décrire la question de durabilité ou qu’elle répond aux besoins des utilisateurs, alors l’entreprise doit la publier.
L’ASTUCE HELLIO
Pour trouver les questions de durabilité sectorielles importantes de son entreprise, il existe de nombreuses ressources utiles. Le guide d’application des ESRS de l’Autorité des normes comptables évoque plusieurs pistes. Le « Materiality Finder » du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) ou encore le « Sector Program » de la Global Reporting Initiative (GRI) en sont des exemples.
Il est évidemment nécessaire de documenter le processus de réalisation de l’analyse de double matérialité. Cela permet de répondre aux exigences de publication de ESRS 2 IRO-1 et de certaines ESRS thématiques. Une bonne documentation de l’analyse de double matérialité facilitera également l’audit du rapport de durabilité.
Bien entendu, il s’agit d’une mesure indispensable pour rendre compte du travail effectué à la gouvernance de l’entreprise. Pour plus de détails sur la procédure à suivre, il est possible de se référer au guide de l’EFRAG sur l’analyse de matérialité.
2 – Structurer correctement son rapport de durabilité
Une fois les informations matérielles déterminées et les points de données correspondants obtenus, il est temps de structurer son rapport de durabilité. En effet, ce document doit suivre un format standardisé, décrit dans l’annexe D de la norme ESRS 1. Lors de cette étape, il est possible de s’inspirer de l’exemple concret proposé par l’appendice F du même standard. Il permet de mieux visualiser la présentation attendue.
Le rapport de durabilité comprend quatre sections :
- Les informations générales (requises par ESRS 2) ;
- Les informations environnementales (ESRS E1 à E5), complétées par les informations à fournir en vertu de l’article 8 du règlement Taxonomie ;
- Les informations sociales (ESRS S1 à S4) ;
- Les informations de gouvernance (ESRS G1).
Notons qu’il est possible d’incorporer des informations développées dans d’autres parties du rapport de gestion par simple référence. Cela permet d’éviter les redondances, comme la description des activités ou de la stratégie de l’entreprise. Lors de la rédaction des différentes informations, l’organisation intègre des balises XBRL en respectant les règles de la future taxonomie digitale développée par l’EFRAG.
Une fois finalisé au sein du rapport de gestion au format XHTML, le rapport de durabilité est prêt à être transmis. L’entreprise peut alors l’envoyer sur la plateforme ESAP et le remettre aux associés dans les délais imposés.
Quelles sont les sanctions prévues par la CSRD ?
Les sanctions encourues en cas de non-respect de la directive CSRD sont décidées au niveau de chaque État membre de l’UE. En France, le code du commerce prévoit différentes sanctions. Ainsi, un dirigeant d’entreprise s’expose à :
- 30 000 € d’amende et 2 ans d’emprisonnement, en cas d’absence de certification des informations en matière de durabilité ;
- 75 000 € d’amende et 5 ans d’emprisonnement, en cas d’entrave à la certification des informations en matière de durabilité.
L’absence de production, de communication ou de transmission du rapport de durabilité a également des conséquences. Une injonction sous astreinte peut être prononcée, suite à la demande de « toute personne intéressée » au président du tribunal statuant en référé. L’astreinte et les frais de la procédure sont alors à la charge de l’entreprise ou de la personne mise en cause.
L’absence de publication du rapport de durabilité peut également faire exclure une entreprise d’une procédure de passation d’un marché public. De la même façon, l’exclusion d’une procédure de passation est également possible dans le cadre d’un contrat de concession.
Comment se préparer à l’entrée en application de la directive CSRD ?
La première étape pour les entreprises est d’identifier si elles font partie du périmètre de la CSRD, et, si oui, à quelle échéance. En fonction de son propre calendrier, chaque société devra analyser la directive et les ESRS, afin de monter en compétences rapidement. Il est évidemment possible de faire appel à des consultants ou à des formateurs pour gagner en efficacité.
Concernant les étapes de préparation plus concrètes, l’analyse de double matérialité devrait constituer la priorité. Identifier les questions de durabilité importantes risque de prendre du temps, mieux vaut donc commencer sans attendre ! En parallèle, une mobilisation de l’ensemble des équipes et une refonte des méthodes de collecte des données peuvent être amorcées.
Une analyse des écarts entre les informations qu’une entreprise publiait déjà et ses nouvelles obligations peut aussi se révéler très utile. Elle permet de compléter les résultats de l’analyse de double matérialité, afin de prioriser la préparation des informations ESG à publier.
L’ASTUCE HELLIO
Pour éviter les situations de double reporting et faciliter le travail des entreprises, l’EFRAG favorise l’interopérabilité des ESRS avec d’autres standards. Cela comprend notamment les standards de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) et de la GRI. Tous les documents utiles sont consultables sur le site de l’EFRAG.
Enfin, un inventaire des émissions brutes de GES (gaz à effet de serre) des scopes 1, 2 et 3 doit être réalisé. Concernant cette thématique, la directive CSRD se base notamment sur le GHG Protocol. Pour réaliser son bilan de GES et répondre à l’exigence de publication E1-6, il est possible d’utiliser différentes méthodologies. Le GHG Protocol, mais aussi la méthode réglementaire française BEGES ou encore le Bilan Carbone® en sont des exemples.
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