Le syndicat mixte du Pays Cœur d’Hérault, moteur de projets territoriaux de ses adhérents
Voici le premier article de notre saga mettant en lumière les territoires engagés dans la transition énergétique.
Thierry Laniesse est le directeur du syndicat mixte du Pays Cœur d’Hérault. TEPOS[1], référent de l’Agenda 21 et ancien TEPCV[2], ce territoire aux dynamiques multiples, regroupe trois intercommunalités : le Clermontais, le Lodévois et le Larzac et la Vallée de l’Hérault dans le Languedoc.
Cette structure, « moteur des projets territoriaux » accompagne des collectivités, dont certaines lui délèguent une partie de leurs compétences : sur des missions de politiques publiques en matière d’énergie, d’aménagement du territoire et même de promotion du tourisme. Retour sur l’engagement riche du Pays Coeur d’Hérault en matière de transition énergétique, alliant tourisme, politique agricole, culture et dynamique des entreprises.
Hellio : Parlez-nous du Pays Cœur d’Hérault, de son organisation et de son engagement écologique et énergétique ?
Thierry Laniesse : Le Pays Coeur d’Hérault regroupe trois intercommunalités : le Clermontais, le Lodévois et le Larzac et la Vallée de l’Hérault, soit un ensemble de 77 communes réunissant près de 80 000 habitants. Ce syndicat mixte – réunissant des collectivités de nature différente – compte deux compétences déléguées : l’élaboration du SCoT[3] et le plan climat[4].
Nous avons également plusieurs missions d’intérêts intercommunautaires qui permettent une mutualisation de services, de réflexions ou de contractualisations à l’échelle du pays et des trois intercommunalités. Dans ce cadre, nous avons signé, par exemple, un contrat local de santé avec l’Agence Régionale de Santé.
Nous avons par ailleurs une compétence tourisme et culture, qui nous permet d’assurer la promotion de la destination Cœur d’Hérault, en lien avec les trois offices de tourisme du secteur, et de gérer le label “Vignobles & découvertes” qui permet spécifiquement de mettre en avant l’œnotourisme.
Nous gérons aussi un programme européen leader d’un montant de 2,5 millions d’euros pour financer des petits projets ruraux du territoire. De plus, nous avons une agence de développement économique avec la gestion d’une pépinière d’entreprises et l’animation de plusieurs clubs d’entreprises. Enfin, le pôle aménagement comprend le plan climat et le SCoT qui nous ont amené à réfléchir à l’aspect “énergie” du territoire.
Hellio : Parlez-nous davantage de cet aspect énergie.
Thierry Laniesse : Nous y travaillons depuis 2012 et c’est une action volontaire puisqu’il n’y avait aucune obligation à l’époque. Nous avons mis en place un Plan Climat Énergie Territorial (PCET) et avons simultanément candidaté à un projet de l’ADEME sur “les SCoT, facteur 4” pour lequel nous avons été sélectionnés. Nous avions la réelle volonté d’intégrer les aspects “énergie” dans ce document d’urbanisme qu’est le SCoT.
Depuis 2010, nous menons aussi une réflexion autour de l’écoconstruction avec les artisans du secteur et nous animons un club d’entreprises dans ce domaine. Cela va au-delà de l’énergie puisque l’écoconstruction, ce sont aussi les matériaux biosourcés.
Nous avons également mis place un espace info-énergie dont les permanences sont assurées, depuis fort longtemps par l’association GEFOSAT[5], spécialisée dans les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie pour l’habitat et qui est notre partenaire local pour les conseils gratuits et indépendants aux particuliers ou aux collectivités.
Les problématiques des économies d’énergie sont pour nous un véritable engagement qui s’est plus structuré et est devenu plus légitime quand il a fallu que les EPCI[6] de plus de 20 000 habitants mettent en place un Plan climat ou « PCAET »[7]. Deux des trois EPCI étaient dans l’obligation d’élaborer ce Plan Climat : mission qui nous a été déléguée par les collectivités au moyen d’une délibération. Nous avons alors adapté le Plan Climat volontaire que nous avions déjà élaboré, et le nouveau Plan Climat ou PCAET qui a été approuvé début 2020.
Dans ce cadre, nous avons également candidaté au programme TEPCV[8], ce qui nous a permis de bénéficier de certains financements. C’est au moment de l’appel d’offres que nous avons connu Hellio en 2018. Enfin, dans la lignée de l’élaboration du PCAET, nous avons adhéré, très récemment, fin 2019, à TEPOS.
Hellio : Vous êtes le directeur du syndicat mixte du Pays Cœur d’Hérault, en quoi consiste vos tâches et vos missions au quotidien ?
Thierry Laniesse : Le donneur d’ordre du syndicat est le conseil syndical constitué d’élus délégués des trois EPCI présidé par un élu. Nous avons une vingtaine de salariés qui sont plutôt une équipe d’ingénierie thématique ou/et financière.
Je manage les différents services et différents pôles. J’assure le lien avec les élus pour la validation des propositions afin de nous engager vers telle ou telle dynamique et impulser différents projets
Par rapport à d’autres Pays, qui ont souvent des services de près de 5/6 personnes, nous sommes plutôt un « gros » Pays. Cela est lié à l’histoire de cette structure et aux divers projets décrits plus haut (SCoT, programme leader, agence économique avec la gestion de la pépinière d’entreprises, la culture et le tourisme, etc.)
Hellio : En quoi consiste par exemple, le projet ministériel « Agenda 21 » dont vous êtes l’un des référents locaux ?
Thierry Laniesse : Né de la conférence de Rio, le projet « Agenda 21 » envisageait que les territoires mettent en place des programmes d’actions qui répondent aux critères de développement durable. Partout en France se sont créés des « Agenda 21 » pour que les collectivités, notamment, prennent en charge et proposent une stratégie et des actions qui répondent aux préconisations. Nous avons été labellisés « Agenda 21 » et je m’étais impliqué au niveau national avec le ministère de l’Écologie en devenant référent national « Agenda 21 local ». Au-delà du territoire, j’ai pu être auditeur pour labelliser certains « Agenda 21 » de France.
Hellio : Votre engagement environnemental, une vocation personnelle ?
Thierry Laniesse : Oui j’ai toujours été sensibilisé aux problèmes environnementaux en commençant ma carrière professionnelle dans un parc national en Afrique. Plus récemment, j’ai été directeur du parc naturel régional de la Narbonnaise dans l’Aude avant de venir au Pays Cœur d’Hérault. J’ai donc des convictions, mais aussi maintenant une certaine pratique sur ces thématiques ainsi qu’une connaissance des réseaux régionaux et nationaux liés aux aspects environnementaux, écologiques et au développement durable. Sujets qu’il me semble essentiels de mettre en œuvre localement.
Les « Agendas 21 » sont aujourd’hui moins d’actualité. On s’oriente plus vers des implications et des engagements de la France au niveau international sur les objectifs de développement durable préconisés par l’ONU. Il n’y a plus la même animation territoriale autour des projets « Agendas 21 ».
Hellio : Vous êtres un territoire TEPOS et lauréat TEPCV. Parlez-nous de cet engagement ?
Thierry Laniesse : Le fait que nous travaillions à une échelle intercommunautaire et intercommunale demande que nous nous donnions des cadres afin de nous impliquer dans des réseaux régionaux et nationaux et de répondre à des critères plus macro (TEPOS, TEPCV ou Plan Climat) qui donnent, à une structure comme la nôtre, une légitimité politique d’agir, validée par des élus. Cela nous donne ensuite, l’opportunité de mener des actions concrètes.
Dans la lignée de l’élaboration du PCAET, nous avons adhéré, très récemment, fin 2019, à TEPOS.
Le programme TEPCV a permis le financement de certaines actions jusqu’à 80 %. Par exemple, là où la rénovation de l’éclairage public du centre-ville de Lodève aurait été possible avec des investissements sur 5 ou 6 ans, cette rénovation a vu le jour an 1 an grâce au programme TEPCV ! Ça a permis aussi la création d’une première flotte de véhicules électriques.
Grâce à l’animation de l’Espace Info Energie par l’association GEFOSAT, il y a à la fois accompagnement du secteur public et du secteur privé pour la rénovation énergétique des bâtiments. Certaines intercommunalités ont commencé à faire de l’aide à la rénovation auprès de propriétaires privés : c’est le cas de la communauté de communes de Vallée de l’Hérault. C’est un programme qui s’appelle Renovissime[9] qui permet à l’espace Info Énergie d’effectuer des rendez-vous gratuits auprès des propriétaires qui veulent rénover leurs bâtiments, installer une chaudière à bois ou isoler leurs combles, etc. S’ils habitent la Vallée de l’Hérault, nous les adressons ensuite à la collectivité qui contribue financièrement à la rénovation de ces bâtiments privés.
Nous étions donc déjà engagés dans des actions de transition énergétique quand nous avons été reconnus « TEPCV », nous avons pu assister au « miracle » du dispositif des CEE spécifiques au programme TEPCV. C’était royal ! C’est là que Hellio est intervenu à nos côtés ! Ce dispositif était extrêmement incitatif pour les travaux d’économies d’énergie dans les petites collectivités : nous avons a pu bénéficier d’1,4 millions de CEE. Cela a permis de financer sur 2 ans des travaux qui n’auraient jamais pu être financés. Aujourd’hui ce n’est plus possible sous cette forme, le programme étant terminé.
Hellio : Après la fin du programme TEPCV, dans quelle mesure poursuivez-vous la démarche d’économie d’énergie sur le territoire aujourd’hui ?
Thierry Laniesse : À la suite de ce programme TEPCV, il a fallu rebondir et poursuivre ce travail d’appui aux collectivités et aux privés pour poursuivre la rénovation énergétique. Nous réfléchissons à renforcer l’espace Info Énergie pour que perdure un conseil en énergie mutualisé à l’échelle du Pays et apporter l’expertise auprès des petites collectivités sur les travaux qui peuvent être faits sur les bâtiments publics. Nous devrions passer une convention avec un syndicat d’énergie départemental pour booster cet aspect conseil en énergie partagé pour le territoire.
Aujourd’hui, les CEE permettent de bien financer tout ce qui est process industriel que nous n’avons pas forcément sur notre territoire. Nous sommes un territoire rural, un territoire viticole. J’ai essayé d’orienter le dispositif CEE et nos besoins vers les caves coopératives.
Hellio : Vous insistez bien sur l’ambition de votre territoire en matière de rénovation énergétique. Parlez-nous du décret tertiaire qui a été publié à l’automne 2019.
Thierry Laniesse : Dans le cadre du décret tertiaire, toute la complexité en tant que Pays vient du fait que nous avons peu de gestionnaires de bâtiments puisque nous sommes une structure d’ingénierie : nous ne gérons pas d’équipements, nous n’avons pas d’usagers, nous n’avons pas d’abonnés, ni de service des eaux ou de petite enfance.
Ce sont les missions de nos EPCI membres. Nous organisons la réflexion, nous mettons en place les politiques contractuelles et ce sont les EPCI ou les communes qui agissent ! Donc à nous, en tant qu’animateur du plan climat, de les booster et d’organiser des comités techniques. Nous les accompagnons pour les recherches de financement. Et d’ailleurs, pourquoi pas les CEE ? Nous sommes les aiguillons, nous sommes garants d’une politique globale d’animation au niveau du territoire pour leur rappeler leurs obligations. Nous ne faisons pas… Nous faisons faire !
Hellio : Revenons un peu sur la crise du Covid-19 : quel est l’impact sur l’activité économique du territoire ?
Thierry Laniesse : Honnêtement, le Covid-19 a tout stoppé. Je suis inquiet sur la capacité d’investissement des collectivités dont les recettes ont été grandement amputées cette année. Vous parliez des territoires touristiques : aujourd’hui, la plupart des hôtels se posent la question d’une réouverture pour la saison. Les offices du tourisme ne récupéreront sans doute pas la taxe de séjour ou encore renonceront surement aux montants des adhésions des professionnels.
Il faut engager une politique d’investissement aux échelles territoriale et nationale, peut-être les CEE sur l’éligibilité des bâtiments et des montants plus attractifs.
Une des solutions serait de lancer une politique d’investissement massive sur le logement par exemple, avec la région et l’État, de mobiliser les CEE. Il faut peut-être faire élargir les fiches d’opérations standardisées à tous les bâtiments privés, publics, tertiaires, qui accueillent du public et tous types de bâtiments. Il faut aussi que cela soit plus attractif. En effet, avoir 20 euros de CEE pour changer les huisseries, ce n’est plus trop intéressant. Il faut des critères plus incitatifs.
Hellio : Quelles actions avez-vous mis en place dans le cadre du Covid-19 ?
Thierry Laniesse : Avec le Covid-19, nous avons mis en place une cellule économique avec les chambres consulaires, les services économiques des intercommunalités. L’idée était et est toujours d’accompagner au plus près les entreprises de ce territoire. Côté transition énergétique, notre souhait est de pouvoir relancer l’économie locale grâce à un plan d’envergure autour de la rénovation de l’habitat en y mettant vraiment les moyens. La problématique est de trouver comment relancer une économie que l’on peut qualifier de présentielle, locale et rurale. Vers une économie plus productive et travailler à la relocalisation de notre économie.
Nous pourrions donc proposer à la collectivité régionale de booster cet aspect de la rénovation énergétique des logements parce que nous savons qu’il y un gisement de travaux que nous avons identifié. Dans le cadre du plan climat, nous avons aussi évalué les surfaces de toitures disponibles pour l’installation de panneaux solaires. Ce “plan Marshall” massif territorialisé permettrait de fournir de l’activité à nos entreprises tout en allégeant la facture énergétique.
Pour nous, les choses sont claires : le plan climat nous donne des axes d’actions pour relancer l’activité à travers la transition énergétique et via deux postes où il faut faire des efforts : le logement et le transport. Alors est-ce que les CEE peuvent nous accompagner dessus ? Pour l’instant, je suis un peu dubitatif, l’État accompagne les entreprises à travers l’octroi de prêts aux entreprises. C’est augmenter l’endettement des entreprises… Mais qu’en est-il réellement de la relance de la machine économique ?
Hellio : Menez-vous des actions en faveur du tourisme durable ?
Thierry Laniesse : Ce sont plus les offices du tourisme qui le font. Nous avons la gestion du label Vignobles & Découvertes. La ligne directrice est le « slow » tourisme qui promeut le tourisme de proximité, de rencontres avec les gens du terroir, de petits hébergements et qui permet de créer une dynamique vertueuse pour tirer vers le haut tout ce qui tourne autour du tourisme durable, de la viticulture durable, voire de la biodynamie.
Nous avons ainsi plus d’une centaine de prestataires privés labellisés qui sont soit des caveaux, des producteurs viticoles, mais aussi des hébergeurs, des restaurateurs, des prestataires de pleine nature, des événements, mais aussi 3 grands sites de France qui sont sur notre territoire.
Nous allons travailler sur la transformation de l’agriculture locale vers une modèle plus agroécologique ; même si c’est plus compliqué dans le domaine viticole.
Hellio : Pourriez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous avez connu Hellio ?
Thierry Laniesse : Au moment de la mise en place du dispositif CEE / TEPCV sur notre territoire, j’ai recherché des partenaires locaux tel que notre syndicat départemental de l’énergie mais l’échelle départementale était sans doute compliquée à saisir. Je ne souhaitais pas passer à côté de ce projet. Après avoir eu l’accord de mes élu-e-s sur le dispositif, nous avons fait un appel à candidature et nous avons eu 5 ou 6 réponses solides dont Hellio et vous étiez finalistes.
La différence s’est faite suite à l’audition téléphonique d’Augustin Bouet, directeur du département Grands Comptes de Hellio, qui a été extrêmement clair et a répondu à l’ensemble des questions que nous nous posions. Je suis d’autant plus admiratif que les choses n’étaient pas faciles car nous étions au début d’un dispositif complexe et inconnu de tous. Il a su être rassurant, très compétent et très professionnel.
Hellio : Quelles opérations ont été réalisées avec Hellio ?
Thierry Laniesse : Aujourd’hui, le bilan des actions CEE TEPCV Pays Cœur d’Hérault avec Hellio, ce ne sont pas moins de 1,4 millions d’euros, pour 133 projets aboutis en isolation, en chauffage et en éclairage public dans 32 communes et pour le compte du syndicat d’énergie départemental.
Hellio : Comment jugez-vous cette collaboration, quelles suites pensez-vous donner ?
Thierry Laniesse : Nous avons été très satisfaits et la suite a été donnée puisque nous sommes repartis avec Hellio pour les CEE classiques. Nous nous sommes même laissé déborder : à un moment, c’était tellement incitatif que de nombreuses collectivités voulaient se lancer, même si ce n’était pas toujours opportun stratégiquement.
Je crois que le dispositif CEE peut fortement concourir de façon pérenne dans un premier temps aux économies d’énergie, dans un second temps à la transition énergétique.
Interview réalisée en mai 2020.
[1] Territoire qui vise l’objectif de réduire ses besoins d’énergie au maximum, par la sobriété et l’efficacité énergétiques, et de les couvrir par les énergies renouvelables locales (« 100% renouvelables et plus »). Il intègre par ailleurs la question de l’énergie dans un engagement politique, stratégique et systémique en faveur du développement local. La marque TEPOS est déposée par le CLER, réseau pour la transition énergétique.
[2] Territoire à Energie Positive et pour la Croissance Verte
[3] Le SCoT, depuis la loi Grenelle II, a pour vocation de fixer les objectifs des politiques publiques d’urbanisme, du logement, des transports et des déplacements, d’implantation commerciale, d’équipements structurants, de développement économique, touristique et culturel, de développement des communications électroniques, de protection et de mise en valeur des espaces naturels, agricoles et forestiers et des paysages, de préservation des ressources naturelles, de lutte contre l’étalement urbain, de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques.
[4] Outil de planification qui a pour but d’atténuer le changement climatique, de développer les énergies renouvelables et maîtriser la consommation d’énergie
[5] Maîtrise de l’énergie-Énergies renouvelables
[6] Établissements Publics de Coopération Intercommunales
[7] Plan Climat Air Énergie Territorial
[8] Programme d’économies d’énergie validé en 2017 qui permet aux territoires lauréats de voir leurs dépenses pour des travaux d’économies d’énergie financées à hauteur des deux tiers.
[9] https://www.renovissime-valleeherault.fr/