”Le semestre français doit faire avancer ces textes. Nous n’avons pas une minute à perdre”1, c’est ce que déclarait Emmanuel Macron le 9 décembre 2021en présentant les priorités de la Présidence Française de l’Union Européenne (PFUE) sur le Pacte Vert Européen. Alors que celle-ci s’achèvera le 30 juin 2022 aux termes de six mois d’exercice, cette prise de responsabilités pour l’Etat français a eu lieu dans un contexte de crise énergétique ukrainienne et d’ultimes négociations du Paquet Climat. En effet, cet ensemble de projets de textes fixent des objectifs et pistes d’actions plus ambitieux en matière climatique pour tous les États membres européens, qui se traduiront par une forte croissance du secteur de la transition énergétique : Fit for 55, GreenDeal, RePower EU, etc. Hellio, acteur de référence de la maîtrise de l’énergie, fait le point.
Une présidence française menée dans un contexte de crise énergétique et climatique
Depuis le 1er janvier 2022 et jusqu’au 30 juin 2022, la France assure la présidence semestrielle et tournante - menée par chaque État membre selon un calendrier établi - du Conseil de l’Union européenne. Ce rôle permet au pays qui en est chargé, d’élaborer une ligne politique qui influencera par la suite l’agenda législatif européen.
En pleine crise énergétique liée au conflit ukrainien, le Président de la République, Emmanuel Macron, a déclaré vouloir faire de l’Europe une championne de l’ambition climatique, avec pour objectif la neutralité carbone à l’horizon 2050 tout en accroissant son indépendance énergétique.
L’agenda législatif en la matière est dense. Tout d’abord, le paquet climat ou “Fit for 55”2 : ce paquet législatif négocié depuis plus d’un an (notamment avec la directive efficacité énergétique et la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments) comprend les principales propositions visant à renforcer la législation européenne en matière d’économies d’énergie, de développement des énergies renouvelables et de baisse des gaz à effet de serre pour 2030. Le secteur français de la transition énergétique, en matière de bâtiment, d’industrie et de transports, sera nettement impacté par ces mesures et par une forte croissance pour les décennies à venir.
Par ailleurs, le Pacte vert européen, autrement appelé “Green Deal”, fixait déjà un ensemble de principes et mesures devant permettre à l'UE d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2050.
Enfin, la guerre en Ukraine a de toute évidence bouleversé cet exercice en poussant la Commission européenne a proposer son plan RePowerEU : un ensemble de mesures exceptionnelles “en faveur d’une énergie plus abordable, sûre et durable”3 dans l’optique de mettre un terme à notre dépendance aux importations d’hydrocarbures russes en Europe.
La France a-t-elle réussi à faire avancer ces sujets sur la table des négociations ? Point d'étape.
Vers des objectifs climatiques plus ambitieux pour les Etats membres d’ici 2030 !
- La Directive Efficacité Énergétique (DEE) : vers un objectif fixé à 45% d’économies d’énergie d’ici 2030
Outre l’enjeu environnemental et économique de baisser nos consommations d’énergie européennes, la crise ukrainienne y confère désormais un enjeu stratégique pour l’Union Européenne.
Les discussions sur la directive efficacité énergétique, dans le cadre de la réalisation du pacte vert pour l’europe4, portent principalement sur l’augmentation de l’objectif d'efficacité énergétique, anciennement porté à 32,5 % dans la directive révisée relative à l’efficacité énergétique.
La proposition de la Commission européenne en juillet 2021, était d’augmenter les objectifs de réduction de la consommation énergétique primaire et finale à 39 % et 36 %.
Les derniers amendements portés sur le texte par les membres de la commission environnement (ENVI) du Parlement européen, portaient l’objectif d'efficacité énergétique à 45 %, sans préciser s’il s’agit de la consommation primaire ou finale. Enfin, la PFUE incite à fixer une baisse de 1,1 % à 1,5 % d’économies d’énergie par an.
La DEE compte également certaines mesures visant à accélérer l'effort des États membres en matière d’efficacité énergétique et des mesures visant à protéger les consommateurs vulnérables.
Ces amendements vont au-delà des objectifs fixés par la Commission européenne, et demandés par Hellio qui souhaitait voir porter l’objectif d'efficacité énergétique à 38 %5.
La PFUE a présenté le 1er juin 2022 un cinquième paquet de compromis sur la révision de la DEE, portant notamment sur la consommation énergétique des datas centers. Ce dernier compromis de la PFUE sera étudié en amont du dernier Conseil énergie de la Présidence française, qui se déroulera le 27 juin prochain et au cours duquel les ministres européens de l’énergie devraient adopter une orientation générale sur la révision de la DEE, avant l’adoption plénière au Parlement européen prévue pour le mois de septembre 2022.
La France devra, pour se mettre en cohérence avec la DEE révisée, transposer rapidement les nouvelles mesures.
- La Directive sur la Performance Énergétique des Bâtiments (DPEB) : vers un doublement du taux de rénovation énergétique annuel d’ici 2030
La directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) a pour objectif de garantir un parc immobilier à haute performance énergétique et décarboné au sein de chaque États membres d’ici 2050.
Le 15 décembre 2021, la Commission européenne a proposer de réviser la DPEB dans la continuité de sa stratégie pour une vague de rénovation6, qui a pour objectif de doubler le taux de rénovation énergétique annuel d’ici 2030.
Les principaux éléments de cette révision portent sur l’augmentation du taux de rénovation des bâtiments les moins performants, l’introduction de normes minimales de performance énergétique au niveau de l’UE et enfin le soutien à la suppression progressive des combustibles fossiles utilisés pour le chauffage dans les bâtiments7.
Le 3 mai 2022, la France a proposé au Conseil un premier compromis dans le cadre de la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments8. Parmi les propositions, elle invite à mettre fin aux incitations à l’installation de chaudières fossiles à l’horizon 2025, le report au 31 décembre 2025 de l’introduction du passeport de rénovation et l’extension de 5 à 10 ans de la validité des Certificats de Performance Énergétique (CPE). Dans un projet de rapport sur la DPEB du député Ciaran Cuffe, publié le 6 juin dernier, le député propose d’intensifier le rythme des rénovations dans l’Union européenne, notamment pour les ménages en situation de précarité énergétique qui occupent le plus souvent les logements les moins performants.
Ces projets doivent encore être discutés par les experts des 27 États membres, puis voté le 26 octobre en commission ITRE du Parlement européen, pour une adoption en séance plénière du Parlement d’ici la fin du second semestre 2022.
À noter que l’impulsion française est motrice dans l’accélération des mesures européennes en faveur de la performance énergétique des bâtiments : en effet, la France prévoit déjà la fin des chaudières fonctionnant au fioul pour le 1er juillet 2022.
- Le plan REpowerEU : une stratégie pour sortir de la dépendance à l’énergie fossile russe
Face à la hausse des prix de l’énergie que connaît l’Europe et l'agression russe en Ukraine, il apparaissait nécessaire pour l’Union européenne de réagir, par soucis de sécurité mais aussi dans le cadre du Pacte vert européen qui envisage une transition rapide vers des énergies propres9.
Le plan RePowerEU vise à agir de manière urgente sur les prix de l’énergie, afin de protéger les consommateurs européens et l’économie, et mettre un terme à la dépendance européenne à l’égard du gaz russe. Dans cette perspective, le plan propose “une stratégie pour l’énergie solaire” et des mesures en matière d’économies et d'efficacité énergétique. Le plan, publié le 18 mai 2022, soumet une proposition d’amendement à la directive 2012/27/EU sur l’efficacité énergétique. La Commission européenne propose d’amender la révision de la DEE en fixant à au moins 13 % l’objectif de réduction de la consommation d’énergie d’ici 2030, en prenant pour référence les projections de 2020 de consommation d’énergie dans l’UE.
Parmi les autres mesures encouragées, la fin des subventions aux chaudières à combustibles fossiles est actuellement proposée aux législateurs. Également, le plan propose le “doublement du rythme de déploiement des pompes à chaleur et des mesures visant à intégrer l’énergie géothermique et solaire thermique dans des systèmes de chauffage urbains et collectifs modernisés"10, ce qui aura pour effet de limiter efficacement la dépendance européenne au gaz russe.
L’attaque militaire russe en Ukraine a bouleversé la Présidence française de l’Union européenne et a, sans doute, accéléré le processus de transition vers des énergies plus propres ou des comportements davantage orientés vers la sobriété énergétique.
Ce qu’en pense Hellio
“Le groupe Hellio salue les engagements en matière d’économies d’énergie, de rénovation énergétique des bâtiments et de développement des énergies renouvelables qui sont nombreux et ambitieux.
Au-delà des objectifs et de la croissance que cela représente pour le secteur de la transition énergétique, les moyens actuels, en termes de main-d'œuvre formée, d’aides financières dédiées, de simplification administrative, semblent toutefois manquer au système français pour cet effort.
Par ailleurs, il faudra être vigilant sur les modes de calcul que chaque Etat membre utilisera pour justifier de l’atteinte de ces objectifs. N’étant pas harmonisés, cela ne permet pas de rendre compte de façon transparente de l’impact réel des avancées pour atteindre la neutralité en 2050.”, souligne Marina Offel, responsable des affaires publiques et juridiques Hellio.
Retrouvez nos propositions Hellio pour la mandature
1Emmanuel Macron, le 9 décembre 2021 lors de la présentation des priorités françaises pour la PFUE.
3https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_3131
6https://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/eu_renovation_wave_strategy.pdf
7https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52021PC0802&qid=164180276388
9file:///C:/Users/ablanchet/Downloads/Factsheet_-_REPowerEU_FR.pdf.pdf
10https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_3131